BIGFOOT

Une sémiologue analyse nos cartes de voeux


Chaque année, l’agence Bigfoot demande à des artistes d’illustrer sa carte de voeux en leur donnant carte blanche (presque) pour donner vie au Bigfoot, notre personnage égérie.
Elodie Miecczareck, sémiologue avec qui nous collaborons très régulièrement, profite de cette saga pour analyser ces cartes en éprouvant sa méthodologie basée sur l’Indyx Model issue de la sémiologie comportementale. Son angle est de comprendre les valeurs émises par l’agence et d’analyser les structures sous-jacentes pour faire immerger ce qu’elle qualifie avec justesse de « mythologie annuelle ».

Phase descriptive

1 Un univers géolocalisé

TOON GRAPH09 – Carte Bigfoot 2010
Bruno MAzodier – carte Bigfoot 2011

L’agence Bigfoot est avant tout un lieu géographique qui existe. Les codes utilisés sont rationnels : on est dans l’univers réel et connu (la rue parisienne x traité réaliste de la photographie (profondeur de
champ) x codes pictographiques (panneau de sécurité routière) ou
alphanumériques (lettres sur fond unis).

Dans la première image, la référence parisienne est notable (immeubles type Haussmann, etc.). Dans la seconde, il s’agit également d’un lieu matériel : l’escalier des locaux de l’agence. Même si on ne le sait pas, on perçoit tout de même le signe «escalier».

2 Un univers créatif

AIKO – Carte bigfoot 2012
Chris Piascik – Carte bigfoot 2014

L’agence Bigfoot est un lieu de potentialités : il s’y passe des choses, des émergences créatives (ramifications), un foisonnement d’idées (explosion colorées), orienté vers l’optimisme (arc en ciel, mouvement tropique de l’arbre). Les codes sont davantage abstraits (traité graphique et dessiné).
Pour autant, dans la première image, l’agence reste ancrée dans un lieu matériel et urbain (immeubles de ville) tout en proposant un espace alternatif de respiration (arbre en feuilles).

La deuxième image se libère de la contextualisation géographique. L’agence se fait «action» (verbes à l’infinitif). Elle devient également «locuteur» phylactère).

L’agence Bigfoot se propose comme un poumon vert créatif (symboles x couleurs). C’est un laboratoire d’idées.

3 Un univers incarné

quelle carte de voeux originale ? comment sortir du lot ?
carte de voeux BIgfoot illustrée par François Boucq en 2013
3TTMAN – Carte 2016
NEUZZ – Carte 2015
DACRUZ – Carte 2016

L’agence Bigfoot est un locuteur incarné, un être-là qui instaure un dialogue incontournable (flat design = peu de profondeur de champ).

  • Sur la première image, le traité est réaliste (codes du portrait x dessin au trait x détails visibles) et anthropomorphique. L’agence s’incarne à travers une «mascotte», interface d’humanité qui ouvre à l’échange et
    aux émotions.
  • Sur la seconde image, le traité est davantage symbolique (formes archétypales, oeil, rond, coeur) bien qu’incarné géographiquement (profondeur de champ x organisation spatiale droite vs gauche et haut vs bas). L’agence est une entitée symbolique favorisant les projections : un être en action, qui marche dans la rue dans un univers
    psychédélique).
  • dans la troisième image, l’agence se totémise. Elle reste organisée autour d’une mascotte modernisée (codes graphiques géométriques x flat design) en pleine action. L’agence s’incarne dans un être agissant rapidement (le skate) qui défie l’espace urbain. Les codes peuvent même renvoyer aux codes picturaux égyptiens = dimension spirituelle sous-jacente
  • dans la dernière image, le totem est total : l’image est presque totalement décontextualisée, seules les étoiles en haut sont une trace d’organisation spatiale / géographique bas vs haut. L’agence se fait
    «spirit». C’est-à-dire le souffle de la vie
    connecté à l’univers…

Phase évolutive

Phase interprétative

Il est fort intéressant d’analyser l’évolution des codes et symboles utilisés dans les cartes de voeux. Ceux-ci sont le symptôme d’une histoire construite année après année, et dont la mythologie est en constante évolution.
Ces signes trahissent également un état d’esprit particulier au moment où les cartes sont produites : le positionnement de l’agence a changé, de même que l’état d’esprit de l’émetteur et donc elles ne s’adressent pas au
même type de récepteurs non plus…
Le point de départ est réaliste et pragmatique : la mythologie est ancrée géographiquement, ainsi que dans la réalité vécue, le quotidien (un marketing opérationnel accru).
Puis arrive une forte dimension créative, la mythologie est celle des potentialités qui émergent.
Enfin, l’agence s’incarne. Elle quitte l’univers très pragmatique et réaliste de l’urbanisme pour s’orienter vers les émotions, le ressenti et l’humain (Bigfoot de 2013).
Au fur et à mesure, ce dessin réaliste du Bigfoot devient une incarnation symbolique puis un «spirit».
Finalement on passe du «marketing opérationnel» au «laboratoire d’idées» à la «démarche spirituelle».
Sacrée évolution donc de l’agence qui, par rapport au départ, a gagné en profondeur émotionnelle puis spirituelle.
Aujourd’hui, il semble que l’intention et la recherche du sens comptent davantage que les moyens à déployer. Il semble aussi que la dimension universelle (dépassement de soi) prime dorénavant sur la dimension spécifique (agence parisienne).

C’est moins le marketing opérationnel et les solutions pragmatiques qui sont valoriser que la capacité à pouvoir générer du sens et de la valeur «morale» pour l’autre. Résoudre son problème en l’amenant à se poser les bonnes questions.

elodie Mielczareck, sémiologue

Elodie Mielczareck, spécialisée dans le langage et bodylanguage, conseil aux dirigeants et aux agences

Élodie Mielczareck est sémiologue. Après un double cursus universitaire en Lettres et Linguistique, elle s’est spécialisée dans le langage et « bodylangage », formée aux techniques de négociation du RAID et à l’hypose. Conférencière, elle conseille également des dirigeants d’entreprise et agences de communication. Elle est très régulièrement sollicitée par les médias pour décrypter les mots et les gestes de personnalités connues]. Elle est l’auteure de Déjouez les manipulateurs (éditions Nouveau Monde, 2016), a participé à l’ouvrage Les Intelligences multiples en entreprise (Dunod, 2019), La Stratégie du caméléon (Cherche Midi, mars 2019).

Publications

  • Rapport de la Commission ministérielle « Image des Femmes dans les médias », 2008,
  • Déjouez les manipulateurs (éditions Nouveau Monde, 2016),
  • Ouvrage collectif Les Intelligences multiples en entreprise (Dunod, 2019),
  • La Stratégie du caméléon (Cherche Midi, mars 2019),
  • Revue Parlementaire et Politique, février 2019.
  • Internet : Le Huff , Le Figaro Vox

Dans les coulisses.

Découvrez la story de la saga des cartes de voeux Bigfoot. ici